Talleyrand
Le 7 octobre 2007, je diffusais sur mon ancien blog « Les
Trois Mondes »un texte de Sogyal Rinpoché extrait du »Livre Tibétain de la Vie
et de la Mort » et qui m’avait bien plu. Ce livre est un grand classique de la littérature spirituelle. Paru
en 1993, il a été traduit en 29 langues et vendu à plus de 2 millions
d’exemplaires dans 56 pays. A l'époque j'étais loin de me douter que ce texte allait
susciter beaucoup de commentaires dont la plupart très critiques à l'égard de
ce personnage.
Ce
texte diffusé m’a, en effet, valu 500 commentaires où se
sont affrontés allègrement les partisans
et adversaires déclarés de cette personnalité tibétaine. Ce dont je suis au
moins sûr, c'est qu'il s'agit de quelqu'un de très controversé. Des propos
assez durs ont été prononcés à son encontre.
Alors comme beaucoup je m'interroge et me dis qu'il
n'y a jamais de fumée sans feu. Je suis toujours étonné que l'on puisse faire
une confiance aveugle à des personnages qui se comportent d'une façon étrange.
Garder ses distances et sa lucidité me paraissent la sagesse même.
Je peux concevoir que dans chaque être, y compris
chez des maîtres spirituels, il puisse y avoir des failles psychologiques, des
faiblesses. Après tout ce sont des humains comme tout le monde. Ce dont j'ai le
plus du mal à comprendre, c'est cette sorte d'aliénation que certains
s'imposent à travers des discours, des cérémonies, des rites et obligations en
tout genre émanant de ces personnages. Le pouvoir et la puissance ne sont pas
loin.
Au contraire, apprenons à être libre, à comprendre
par nous même. Nous devons être les alchimistes de notre propre vie.
Un commentaire est arrivé le 25 janvier 2011 sur
mon ancien blog, témoignage à nouveau édifiant concernant les déviances du personnage.
Le voici dans sa totalité
"Que tous les êtres soient à jamais libres de la souffrance et de la cause de la
souffrance, et notamment ceux qui ont eu, ont ou pourraient avoir Sogyal
Rinpoché comme lama.
L’ayant suivi pendant 10 ans, dont de longs séjours à Lerab Ling, l’observation
de son comportement a fini par me faire douter de son authenticité. C’était il
y a deux ans. J’ai alors cherché et trouvé un véritable lama.
Celui-ci m’a fait comprendre :
- Qu’il est possible de donner des enseignements bien
supérieurs à ceux de Sogyal, tout en ayant un comportement en parfaite
cohérence.
- Qu’il est plus important de traduire les textes du
Dharma que de construire un temple tibétain, mégalo et bling-bling, au cœur des
Cévennes. Quelques thangkas suffisent à créer le temple extérieur.
- Qu’il n’est pas nécessaire de rabâcher en tibétain et
sanskrit d’interminables sadhanas, à vitesse supersonique et sans même en
disposer d’une traduction. On peut en pratiquer en prenant le temps d’en comprendre
le sens et de les intégrer.
- Qu’il y a une différence entre dévotion et culte de la personnalité. On
n’est pas obligé de débiter en fin de tsok 40 pages de prières de longue vie à
la gloire du lama.
- Qu’il y a une différence entre dévotion et foi aveugle. C’est cette dernière
qu’illustre Sogyal dans ses perpétuels rappels de l’anecdote de la dent de
chien.
- Que la dévotion ne se décrète pas, qu’elle naît et se développe à mesure que
le lama gagne, par son comportement, notre confiance.
- Qu’on n’a pas besoin d’attendre des heures, voire des
jours, avant qu’il daigne se montrer.
- Qu’il n’est pas obligé de repartir en voiture immédiatement après les
enseignements, qu’il peut se rendre disponible pour ses disciples pendant toute
la pause de midi ou en soirée.
- Qu’un lama n’est pas obligé d’avoir des caprices de diva, qu’il peut aussi
aller manger avec ses disciples et prendre lui-même son plateau après avoir
attendu que ceux-ci se soient servis.
- Qu’il y a des lamas qui ont une grande activité de compassion
sur le terrain, dépassant de très loin Dzogchen Beara et ses 7 lits… payants.
- Qu’ils maîtrisent leur esprit et n’ont pas de sautes
d’humeur et donc n’ont pas besoin de justifier leur attitude par une soi-disant
folle sagesse.
- Qu’un lama n’a pas forcément besoin que de petites pépés
lui réajustent son châle ou lui retirent ses chaussures (pour ne parler que de
la partie visible de l’iceberg).
- Qu’il peut se passer d’émettre en public des diatribes contre un de ses
disciples ou des clichés et préjugés sur tous les représentants d’un pays.
- Qu’il peut se dispenser de gifler un disciple et de lui
secouer la tête en le saisissant par les cheveux.
- Qu’un sangha ne doit pas copier l’organisation
pyramidale d’une secte.
- Que la stabilité et la sérénité peuvent y régner, et le stress en être
absent.
- Qu’un sangha n’est pas une pompe à fric et à bonnes volontés, que le prix des
retraites et des supports, par exemple, peut y être nettement plus réduit qu’à
rigpa.
Donc, ceux qui ont suivi Sogyal et l’ont quitté, ils sont nombreux,
n’abandonnez pas le Dharma et cherchez d’autres maîtres. N’abandonnez pas. Il
suffit de chercher un peu. N’abandonnez pas. Pourquoi rendre indirectement
hommage à Sogyal en pensant qu’il ne peut y avoir de lama en dehors de lui, et
être piégé pas votre égo en croyant que vous pouvez vous en sortir tout seul ?
Ceux qui n’ont découvert Sogyal que récemment, examinez.
Rappelez-vous que tout ce qui brille n’est pas or et grattez pour voir s’il ne
s’agit pas simplement de dorure à la feuille. Demandez-vous
quelles sont les qualités d’un lama authentique et examinez si Sogyal les
possède. Recherchez quelles sont les caractéristiques d’une secte et vérifiez
si elles ne s’appliquent pas à rigpa et à son fonctionnement. Ne restez pas à un
niveau superficiel. Si ce n’est pas encore évident, reposez-vous ces questions
régulièrement par la
suite. Examinez en profondeur. Examinez encore. Ne vous
engagez surtout pas avant d’avoir observé d’autres lamas, d’autres sanghas.
Ceux qui suivent encore Sogyal, réveillez-vous.
Demandez-vous comment on passe de millions de lecteurs du LTVM à quelques
milliers d’étudiants dans l’ensemble des sanghas nationaux. Quel gâchis !
Demandez-vous pourquoi presque tous les anciens sont partis et osez leur demander.
Réveillez-vous. Si, malgré tout, vous avez l’impression que Sogyal vous a fait
progresser en compassion et en sagesse, demandez-vous si la progression
n’aurait pas été plus rapide, moins coûteuse et moins douloureuse avec un autre
lama.
Il n’est certes pas facile de reconnaître qu’on s’est trompé pendant des
années, qu’on a sacrifié famille, amis, boulot, temps et argent. Il faut du
courage. Mais si vous n’avez pas ce courage, vous risquez de souffrir, beaucoup
et inutilement, en continuant à suivre un guide douteux.
Bien sûr vous pouvez avoir d’autres perceptions. Quelqu’un
d’aussi remarquable que Pema Chödrön parle toujours avec dévotion de son défunt
maître, le pourtant très controversé Chögyam Trungpa. Il n’est donc pas
surprenant que pour certains Sogyal soit un imposteur, alors que d’autres le
suivent aveuglément, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse.
Entre ces deux extrêmes, je choisis la voie du milieu et pense que Sogyal est
lama comme Talleyrand était évêque. Dans une société féodale où spirituel et
temporel se confondent, Sogyal Lakar, est le rejeton de l’une des plus riches
familles du Tibet. Après le remariage de sa mère, il est élevé par sa tante
elle-même épouse d’un grand lama. Il est reconnu 14 fois, par respect pour ce
dernier mais aussi pour que des monastères puissent bénéficier de la générosité
familiale. Après l’exil en Inde et la ruine, il ne lui restait plus que sa
connaissance du Dharma. Depuis c’est ce qu’il vend.
Aussi longtemps qu’existera l’espace,
Aussi longtemps qu’il y aura des êtres,
Puissé-je, moi aussi, demeurer,
Pour dissiper la douleur du monde.
Luc