Ni M ni N
Cette phrase énigmatique m’apparut un matin en émergeant de mon sommeil : « Ni M ni N » avec ces deux lettres bien visibles dans ma tête.
A l’époque, je connaissais un ami très calé en interprétations spirituelles. Perplexe, je lui demandais la signification de ce message. « Facile » me dit-il « Ni M ni N : pas de préférences, pas de dégoûts ». Alors, bien sûr, je m’attelai immédiatement à la tâche.
Lorsque l’on focalise son attention sur un sujet, c’est incroyable la quantité de choses qu’on découvre ! Je me suis surprise à avoir des préférences et des dégoûts à longueur de journée.
Nous, les humains, depuis que nous avons laissé notre peau de singe pour acquérir un pouvoir mental, nous passons notre temps à trier, sélectionner, prendre ceci, rejeter cela. On se délecte à ce jeu qui nous donne l’illusion d’une super intelligence. L’ego ne trouve pas mieux où se loger que dans le mental. Nos choix sont la plupart du temps intellectuels, dérivés d’un raisonnement.
On sait que le bébé n’est aucunement gêné par l’odeur de ses couches ni par aucune odeur d’ailleurs, apparemment. On lui apprend ce qui est propre et ce qui est sale à partir de nos plaisirs et de nos phobies personnelles. Le parfum qui lui fait peut être du mal à la tête, on lui dit que ça sent bon. L’animal lui, se laisse guider par son instinct naturel et pragmatique : son corps en a besoin, il prend ; son corps lui dit que c’est nocif, il s’éloigne. Chez nous la morale et la science ont remplacé la conscience corporelle. On prétend que le corps ne sait rien, on l’a muselé, anesthésié, asservi à un mental tout puissant qui croit tout savoir. Nous avons été conditionnés et nous conditionnons à notre tour.
Ainsi les adultes passent-ils leur temps à demander aux enfants ce qu’ils aiment le plus : les couleurs qu’ils préfèrent, les vêtements qu’ils préfèrent, les aliments qu’ils préfèrent, les personnes qu’ils préfèrent….. On les oblige à préférer donc à rejeter. On leur apprend à vivre dans la division, dans l’esprit de dualité.
Une éducation juste devrait être un apprentissage neutre, dénué de connotations tendancieuses. Elle devrait être un développement poussé des cinq sens pour un enrichissement de la connaissance de soi, des autres et de la vie du monde. Ils apprendraient à comparer des nuages infinis de couleurs, de formes, de lumière, à discriminer des sons , des bruits de toutes sortes, reconnaître les cri des oiseaux, sentir, palper toutes sortes de matières, goûter tous les aliments possibles, en définir les subtilités, reconnaître toutes les odeurs, les arômes, les parfums possibles etc….Il finirait par développer en lui une sorte de prolongement des cinq sens, une extra lucidité sensorielle, une sensibilité et une intelligence spontanées à distance, sans l’intervention du mental qui juge, qui influence, qui nous induit en erreur par ses préjugés, ses peurs et interdits. Un aveugle sent une présence, un objet, une atmosphère, un sentiment à distance et il ne se trompe jamais.
Sommes-nous conscients de nos infirmités ? Peut être, puisque nous remplaçons notre sens de l’orientation par des GPS, notre odorat par des détecteurs de fumée, des désinfectants partout, notre vigilance par des alarmes (même pour fermer sa porte de voiture !), par des caméras de surveillance, notre capacité à sentir la qualité d’un tissu par des vêtements de marque ou même par le prix (plus c’est cher, plus ça doit être bon ou solide !), etc, etc, etc…..
L’homme dit moderne avec sa technologie apprend à se couper de son ressenti. Dommage ! C’est pourtant le seul moyen fiable et gratuit dont il dispose pour se guider dans la vie. Et il ne s’en sert pas, ou si peu.
Alors il devient méfiant, il juge, il se pose des questions interminables, il doute, il est perdu, il a peur.
Être en contact avec ses sens, c’est être en contact avec l’univers et avec son créateur, donc en quelque sorte avec son âme.
Nos sens sont des antennes qui reçoivent et émettent des ondes circulant sans cesse des uns aux autres. Ils permettent de percevoir d’un seul coup d’œil les intentions de l’autre, de ressentir instantanément ses bonnes ou mauvaises pensées, ses bons ou mauvais sentiments, tout comme l’autre peut percevoir les nôtres.
Alors ne nous privons pas de ce don précieux qui peut nous servir à communiquer plus consciemment et plus sincèrement les uns avec les autres, d’âme à âme.
La leçon que m’a enseigné ce message « Ni M ni N », c’est que parmi les choses ordinaires de la vie, rien ne mérite de grandes exaltations ni de grandes déceptions, ce monde des émotions irrationnelles relayées par un mental trop ignorant qui ne fait que les amplifier.
Dans dix, dans vingt ans, quelle importance aura ce repas si savoureux ou ce plat raté, cette fête si joyeuse ou cette fête si ennuyeuse, cet incident si agréable ou si désagréable…..
Relativisons l’intensité de nos émotions et de nos sentiments du moment, prenons du recul dans l’espace (au-dessus) ou dans le temps(en décalé), évitons de trop nous investir émotionnellement dans chaque événements qui se produit. Ce n’est qu’un film qui passe et auquel nous participons, mais ne croyons pas à chaque minute vivre un drame ou un conte de fées. Ne collons pas à la peau de notre personnage au point de ne plus faire la différence entre note Moi profond et notre personnalité de surface (celle qui agit à l’extérieur).
L’enjeu est ailleurs, dans l’invisible, là où se situent toutes les origines du visible.
Marie Christine
Ah ! Que cela est bien dit, Marie- Christine !( Daniel)