Penser moins pour vivre plus
Si l'ego n'était qu'une question d'arrogance ou de modestie, le problème serait vite réglé. Je connais des personnes arrogantes capables d'une véritable abnégation et certaines âmes « bien pensantes » aux discours et aux actes charitables capables d'un égoïsme formidable.
Alors de quoi s'agit-il ?
Daniel Balavoine chantait : « Il ne suffit pas d'être pauvre pour être honnête ». J'ajouterais « Il ne suffit pas de faire le bien pour être bon ».
En creusant un peu sous la surface des choses, on détecte immanquablement la notion de profit personnel.
Nous sommes tous affublés d'un ego, donc tous mus par l'objectif d'un profit plus ou moins avoué. Le but de tout individu(ou presque) est de donner une bonne image de lui aux autres, et surtout, pas ricochet, une bonne image de lui à lui-même. Voilà le pot aux roses !
Surtout s'estimer, s'aimer, se respecter, s'admirer soi-même. L'idée est louable en soi, rien à dire, mais quels moyens emploie-t-on ? Quels subterfuges utilise-t-on pour arriver à ses fins ?
« Que je suis beau/belle ! Que je suis gentil/gentille ! Que je suis fort/forte ! Que je suis intelligent/intelligente ! Que je suis aimé-aimée ! etc.....
Même la spiritualité n'échappe pas à l'affaire : « Comme je mérite d'être l'élu/l'élue de Dieu !
La majorité de nos actes et de nos paroles ne sont-ils pas dictés par l'idée de profit ? La plupart du temps inconsciemment. Besoin de posséder l'autre ou de l'impressionner ou de le convaincre ou de l'intimider ou de le changer....
Nos relations sociales, nos sentiments sont le plus souvent des échanges de profits. Nous passons le plus clair de notre temps à avoir des attentes (qui ne sont que des désirs de profit) dont le résultat oscille constamment entre plaisir et déception : attente satisfaite, attente insatisfaite.
C'est un profit sans argent et c'est peut–être le pire de tous. Il est insidieux, il sait se draper de mille bonnes intentions, il n'annonce pas la couleur, il mélange tout, le sincère et l'insincère, il se trompe lui-même, il se croit parfaitement honnête et irréprochable.
Qu'est ce qu'un acte absolument gratuit ? Quelle est la part du naturel, du spontané ? Sans doute l'acte qui ne se regarde pas faire, mais qui fait tout simplement, par une sorte d'humanité intérieure venant du plus profond des âges, un sens inné de la vie en général, la vie de tous les êtres ; l'acte qui ne réfléchit pas ; l'acte dans toute sa pureté. Ou est-il ?
Je ne parle pas de l'émotion tremblante, qui est trop souvent un amalgame de sensibilité et de sentimentalisme douteux, voire de sensiblerie, un retour sur soi de self-pitié.
Pas de pitié, pas d'indignation, pas de honte ni de fierté ni de peur ni de culpabilité. Non. Un acte qui provient du plus profond de l'être, un acte de vie, de respect primaire, primitif même, la source en nous, un acte direct qui fus comme une flèche de vérité, un élan impérieux, une certitude instantanée de ce qui doit être fait, tel un banal passant qui se jette dans les flamme d'une maison en feu pour sauver un petit chat en détresse.
Peut-on vraiment savoir de quoi l'autre a besoin en faisant des suppositions ? Notre mental est-il compétent ?
S'intéresse-t-on aux autres avec le cerveau ? Le cerveau est un intermédiaire qui aime bien nous faire passer par la case ego chaque fois qu'il se mêle des choses qui ne sont pas de son ressort : les émotions et les sentiments. Alors il déforme tout. Il croit savoir gouverner le cœur alors que son rôle, son domaine sont les idées, les tris, les choix, la raison.
Pour connaître l'autre, encore faut-il connaître son cœur, communier par les sentiments avec lui.
Il est vrai que le fait d'avoir des frères et sœurs facilite la tâche : depuis tout petit on a partagé les mêmes émotions, on a appris à ressentir ensemble. L'enfant unique a, semble-t-il, plus de difficulté à entrer dans le ressenti de l'autre car il n'en a pas fait l'expérience. Il ne peut avoir que l'expérience de son unique ressenti face au monde. Dans un cas, il y a « le monde et nous », dans l'autre il y a « le monde et moi ».
Quand on est seul, il nous reste comme compagnon, comme confident : notre mental.
Malheureusement, notre mental se base beaucoup sur l'apparence des choses car il ne peut pas les pénétrer. Alors il engendre la méfiance, le doute, les supputations sans fin, les fausses interprétations, les faux jugements, parfois les vrais.
Le mental est un instrument de mesure juste et adapté pour les calculs, les mises en ordre, l'organisation des idées et des objets, mais il n'est qu'un interprète dépourvu d'objectivité en ce qui concerne les sentiments car il fait toujours intervenir l'ego quand il s'occupe de ce qui ne le concerne pas. Il se croit tout puissant alors qu'il devrait s'appliquer à se rendre transparent et entièrement réceptif aux messages de la conscience de Vérité émanant d'un plan situé bien au-delà de lui-même, se laisser imprégner, devenir le transmetteur bénévole de tout ce qui dépasse ses capacités.
C'est pourquoi il est préférable, comme le préconisent les philosophies et les religions orientales, de favoriser le silence mental, de penser le moins possible, de vouloir le moins possible si l'on veut avoir une chance de recevoir quelques bribes d'illumination.
Reconnaissons-le : 90% de nos activités mentales sont superficielles et complètement dénuées d'intérêt.
Dire qu'on est un grand enfant est une illusion. L'enfant ne se perd pas en divagations, calculs, conjectures. Tant qu'il est petit, il fait ce qui, pour nous adultes, est devenu une chose extrêmement compliquée : ALLER A L'ESSENTIEL.
Marie Christine