Dédé
Dédé n'avait pas encore mis ses chaussures car il voulait éviter de faire de bruit en marchant sur le parquet. Il s'approcha doucement de la chambre, ouvrit la porte et entra. Un ronflement sonore l'accueillit. Il se planta devant le lit et regarda le couple en train de dormir. L'homme dormait sur le dos, son gros ventre à l'air qui rythmait son ronflement. La femme était recroquevillée, les genoux repliés sur son abdomen. Un couple banal en train de dormir..... Dédé regarda ses parents une dernière fois, tourna les talons, enfourna ses chaussures , prit son grand manteau, usé jusqu'à la corde, sans oublier un sac où il avait mis quelques affaires. Il referma la porte de la grande bâtisse et s'enfonça dans la nuit.
Cela faisait longtemps qu'il avait pris la décision de partir. Il n'en pouvait plus de cette vie à la ferme. Une vie de reclus avec ses parents, une vie sans paroles, rude presque primitive. Il rêvait d'autre chose, loin des champs, des vaches et de ce fichu poulailler qui le réveillait chaque matin alors qu'il aurait aimé se prélasser dans son lit. Le chant du coq, très peu pour lui! Tous les jours le même rituel: on s'asseyait au bord de la table, un grand bol de café noir devant les yeux. Ni bonjour, ni " comment ça va". Le vide, le néant ! Puis on partait soigner les bêtes. Les sabots devenaient de plus en plus lourds. Dédé partait avec son chien qui le suivait partout. Heureusement qu'il avait son chien. C'est à lui qu'il parlait, confiait son mal être, ses rêves. Et il en avait des rêves Dédé ! Il allait lui manquer, c'est sur ...
Dédé avançait d'un pas rapide. L'air était vif et le matin commençait à se lever laissant apparaître une nature verdoyante qui frissonnait dans le vent léger. Une bonne heure de marche le mènerait à la gare la plus proche. C'était la bonne décision. Des mauvaises pensées avaient traversé plusieurs fois son esprit. Il valait mieux partir. Dédé commençait à transpirer, un goût amer imprégnait sa bouche, une angoisse face à l'inconnu qui l'attendait montait doucement en lui. Mais il n'en pouvait plus de cette vie sans issue, sans paroles, sans amour.....Il fallait partir ou, alors, tout allait exploser.
La gare était en vue, une gare de campagne banale. Un seul quai et des rails de chaque côté et un grand soulagement à la vue de cette gare. C'est sûr sa vie allait changer. Une bouffée d'espoir l'envahit. Une vie nouvelle allait commencer. Juste le temps de prendre son billet et le train entrait déjà en gare. C'était une vieille micheline qui faisait un bruit d'enfer. Dédé s'installa confortablement, ferma les yeux.....ça y est, il avait quitté la ferme et dans trois heures il serait à Paris. Il n'avait aucune idée de ce qu'il allait faire mais il était libre !
Daniel