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Les voies de l'âme
14 décembre 2010

Machine à lire

Un beau texte écrit par Elizabeth, personnel et original, comme elle sait bien le faire. Je l'ai pris sur son blog: http://2009sediments.wordpress.com/. Elizabeth est une grande lectrice qui s'intéresse également  à toutes les formes de l'art.

« J’aime l’allure poétique,
par sauts et gambades (…) Je m’égare,
mais plutôt par licence
que par mégarde. » Montaigne

 

anker_la_liseuseQuelquefois je lis vraiment comme une machine, sans rien comprendre à ce que je lis. (Je parle des livres que j’ai la capacité de comprendre, pas de Merleau-Ponty…) Cela se passe quand je suis trop fatiguée pour suivre et pas encore assez pour lâcher le livre… Quand il s’agit d’un roman, enfin d’un roman où il y a une histoire avec des personnages et tout, ce n’est pas très grave. Les noms des personnages ou les noms de lieux, ou certaines circonstances évoquées, agissent comme des butoirs ; je reviens en arrière, je refais les connexions nécessaires, je raccommode les lacunes. L’histoire que je lis alors n’est peut-être encore pas tout à fait la bonne, mais en existe-t-il une bonne ? ou bien n’existe-t-il que l’histoire qu’une lecture quelconque, hic et nunc, est en train de créer ?  That is the question, disait le prince de Danemark.

Lorsque le texte a une forme narrative différente, c’est plus difficile. J’ai l’impression qu’alors au lieu de perdre des morceaux en route, comme dans le cas précédent, j’en ajoute ; des mots imprévisibles servent de tremplin à des sauts dans le vide, accrochant au passage un souvenir d’enfance, une réminiscence d’autre lecture, un élément hétérogène venu de l’extérieur. Je décris une boucle plus ou moins large et je reviens au point de départ, mais le texte ne reste sans doute pas indemne de ces excursions incontrôlables.

Les livres ne m’en gardent pas rancune. Ils continuent à me faire du bien. Pas de meilleure compagnie.

Source image : Musée des Beaux-Arts du Locle : Albert Anker, Jeune fille lisant (vers 1882)

 

Commentaires
E
Elle convient très bien sur ce blog,Marie...<br /> Seulement, je t'attends à la mare au diable...
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M
Alors, on dit pas merci ?<br /> Ingratitude !!!<br /> (je me suis creusée quand même !)
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M
Il faut se replacer dans le contexte de l'époque .<br /> Années soixante . La France est encore inondée de ces têtes moroses d'adultes au regard froid, de ces femmes en noir aux maris disparus . La mort y rôde encore ; la guerre et ses ravages n'en finit pas de poindre à chaque coin de rue, au détour d'un chemin, dans toutes les chaumières .<br /> Mon enfance a connu les morceaux de grand Meaulne, Jean-Christophe et bien d'autres comme les bons petits diables et les Poil de Carotte . Je me suis régalée à la maison aussi des livres illustrés des malheurs de Sophie, les petites filles modèles m'ont très souvent réjouie .<br /> Inévitablement, un jour a sonné l'heure fatale de l'adolescence .<br /> C'est l'âge où la curiosité pour les choses de l'amour devient affaire sérieuse . Du haut de mes 15 ans, romantiques à souhait, j'avais bien une amie, plus avancée que moi dans sa maturité, qui me lisait en douce les extraits les plus hard de ce marquis de Sade dont bien sûr je n'avais jamais eu connaissance . C'était en quelque sorte, le porno de l'époque . Perplexe, j'écoutais ces lectures incongrues, ces descriptions affreuses, ces actes écoeurants qu'on ne montrerait pas, même encore aujourd'hui .<br /> Dans mon chaste collège, on étudiait toujours des textes comme il faut, bien sûr intéressants, mais quelque peu frustrants .<br /> Lorsqu'un jour en troisième, mon austère professeur eut la brillante idée (ou bien l'obligation) de nous faire étudier un livre tout entier . Elle nous pria d'acheter "la mare au diable" de George Sand .<br /> Quoi ? Déjà une femme qui se déguise en homme et qui porte son nom ? Pas banal personnage !<br /> Et puis nous pénétrons peu à peu dans le livre ...<br /> Et oh, stupéfaction ! Je n'en crois pas mes yeux : y a une histoire d'amour !? Entre un jeune paysan et une toute jeune fille, si ma mémoire est bonne . Un gentil Roméo, une douce Juliette s'étaient audacieusement assis sur les bancs de l'école !<br /> Pas à pas j'ai suivi avec grand intérêt, les passions, les déboires de ce couple charmant . C'était l'équivalant des feuilletons actuels ...<br /> Mais non, la différence est grande ! C'est les mots pour le dire !<br /> J'entrais sans le savoir dans la littérature !<br /> Tout un monde nouveau s'ouvrait dorénavant . Pour moi les sentiments et les plus belles choses se trouvaient là, vibrants, vivants, dans cette prose .<br /> Qui sait l'orientation que ma vie aurait prise sans cet émerveillement, sans ces premiers émois à la mare de Sand ...!
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E
Dis-donc, Alain...<br /> Revoir mes classiques à cinq heures du matin...<br /> Sauf que Molierre, il dit:<br /> "Je me sens un coeur à aimer toute la terre"<br /> (Dom Juan, ou le festin de Pierre 1665)<br /> <br /> MOI, Monsieur...<br /> <br /> Je vis de bonne soupe, et non de beau langage.<br /> (Les femmes savantes)<br /> <br /> Bon, allez...<br /> J'retourne élever mon ésprit.
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A
La musique que tu as choisie sur ce thème m'endormira cette nuit.
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A
« J’aime l’allure poétique,<br /> par sauts et gambades (…) Je m’égare,<br /> mais plutôt par licence<br /> que par mégarde. » Montaigne<br /> <br /> Daniel je te remercie du fond de mon coeur.<br /> Je me sens si proche de toi. <br /> Quand la fidélité persiste, l'amitié s'inscrit, même virtuelle.<br /> Ici, le mot "virtuel" semble vulgaire parce qu'au-delà, il y a l'esprit, qui n'a ni forme ni sens. Par sens, il faut entendre les agrégats de la conscience :<br /> Ne pas se voir, s'entendre, se sentir, se toucher ou se goûter n'empêche pas la connexion directe avec l'amour, au plus profond. C'est là que les esprits se confondent.<br /> Il ne suffit pas d'être en contact physique pour ressentir l'amour. C'est un niveau de conscience.<br /> <br /> Ce qu'écrit Montaigne, que je n'ai jamais lu, me touche profondément.<br /> Lorsque le poète s'égare, il est soustrait du moralisme. Il s'exprime directement, sans décence. Son coeur explose, dans le non être.<br /> <br /> Je me souviens d'un poète que j'ai eu du "mal" à lire, sans doute parce qu'à son époque, il était prisonnier des carcans... peut-être aussi des arcanes.<br /> Je n'ai retenu qu'une phrase qui a marqué mon adolescence tardive, bercé que j'étais dans le faste des renaissances apparemment favorables.<br /> <br /> "Je me sens un homme à aimer toute la terre".<br /> <br /> Tiens ! Je ne dirai pas son nom, si vous voulez bien jouer.
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D
J'ai bien aimé ton texte sur la lecture." Ne rien savoir , c'est se donner la possibilité de tout savoir". <br /> Bonne soirée
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A
Elisabeth et Sarah, vous êtes de vraies lectrices. C'est intéressant parce que ma compagne Marie-Thérèse est la seule personne que je connaisse qui puisse avaler autant de lecture dans une journée à une vitesse impressionnante.<br /> Elle est capable de lire un roman de 600 pages en deux jours.<br /> Je me marre quand elle lit parce que je passe devant elle, la télé bat son plein, et je fais semblant de m'adresser à elle en parlant. Je peux dire n'importe quoi, sans hausser le ton bien sûr, et elle n'entend pas. Elle lit. Elle est complétement dedans et c'est assez remarquable.<br /> C'est surprenant parce que sa culture est gigantesque, que ce soit en histoire, en littérature ou en politique.<br /> Elle est incollable, comme dans les mots croisés où elle tape en haut.<br /> Bon ! Elle ne travaille pas et est capable de rester nuit et jour allongée ou assise à lire, écouter des émissions culturelles et politiques, faire des mots croisés et ne se lever que pour se sustanter.<br /> Quand je pense qu'elle est cuisinière de métier ! Bon ! J'adore faire la cuisine... alors !<br /> L'histoire de France est sa passion, l'histoire du Monde aussi, la politique une autre et la littérature... un savoir impressionnant.<br /> Par contre, elle n'écrit pas.<br /> Mais lorsque autour d'une table conviviale elle prend la parole, c'est là que je me lève pour écrire car c'est difficile de l'arrêter, voire d'échanger, parce que sa passion et son savoir prennent le dessus, comme si la lecture prolongée peut enfermer un être dans son mental et que les autres doivent écouter, coûte que coûte.<br /> <br /> Moi, c'est tout l'inverse. Je n'ai aucune culture. Jusqu'à mon bac, je n'ai pratiquement ouvert aucun bouquin. Je faisais du sport, je jouais au Tour de France sur mon tapis et la nuit, je faisais introspection.<br /> J'étais dernier en histoire et géographie, dernier en langues, premier en maths, en physique chimie et en éducation physique.<br /> Ce n'est qu'en terminale que j'avais les meilleures notes en philo.<br /> <br /> Pendant que Marie-Thérèse continue à ressembler à Alexandre le Bienheureux, à lire encore et encore, à prier tous les dimanches en faisant brûler des cierges dans l'église du village (son frère Roger est le Curé de la paroisse de Saint-Just-En-Chevallet depuis près de 40 ans : un exploit), je ne lis que des livres de philosophie et d'ésotérisme, le bouddhisme en particulier. Ah ! Et j'achète l'Equipe.<br /> <br /> Quand je lis un livre, cela m'arrive souvent depuis une vingtaine d'années, je le lis pratiquement cinq fois en une fois. J'ai besoin de m'imprégner de chaque phrase, de chaque paragraphe, de chaque page car je ne comprends pas exactement ce que veut dire l'auteur.<br /> Je me souviens d'ailleurs à ce sujet,<br /> qu'en "commentaire de texte", à l'école, j'étais récalcitrant, pour ne pas dire nul. Je ne comprenais pas que le prof nous demande ce que voulait dire l'auteur.<br /> Qu'est-ce que je me suis emmerdé dans ces cours-là ! En fait je dormais, la plupart du temps.<br /> <br /> La lecture, c'est difficile pour moi parce que je ne comprends pas tout.<br /> En outre, mes connaissances sont très limitées. Je ressens mon ignardise (mot inventé, sans doute parce que j'adore les mignardises), comme une conséquence de mon indifférence au fait de "savoir". <br /> Je ne m'inscris pas dans le "savoir". Je m'inscris dans l'ignorance du "savoir" lié à l'intellect. Cela ne m'intéresse pas et cela ne m'intéressera pas dans cette vie.<br /> <br /> Même la poèsie a longtemps été pour moi inaccessible. Normal.<br /> Cela, je le regrette un peu parce que mon ignorance intellectuelle ne m'a pas permis de comprendre le sens de la poèsie, une expression du coeur. Aujourd'hui, j'en raffole. Mais attention ! Si je ne comprends pas le sens ou si les mots ne sont pas en harmonie avec le coeur et sa simplicité, je n'adhère pas.<br /> <br /> Je me sens bien dans l'introspection, la compréhension des enseignements les plus élevés et dans l'écriture du coeur.<br /> <br /> Bon ! Je m'aperçois qu'une fois de plus, je suis trop long et je vous embête avec ça.<br /> Pardon, mais c'est plus fort que mon mental.
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S
Les livres sont des voyages que l'on ne peut faire.<br /> <br /> Il m'arrive aussi parfois de lire des passages des livres "en diagonale" non pas parce que cela ne m'intéresse pas mais l'action du livre, ou l'histoire du personnage est tellement passionnante que les "détails" me donnent l'impression de stopper l'histoire. <br /> <br /> Alors inconsciemment je "saute" puis je retourne en arrière pour reprendre un fil ou comprendre un lieu et je repars dans l'aventure, dans le monde crée par l'auteur vivant et ressentant l'émotion des personnages, le plongeon est parfois si grand qu'il m'arrive d'arrêter la lecture lorsqu'il arrive malheur à un des personnage puis l'envie de poursuivre reprend, la découverte est là jusqu'au bouquet final qui une fois fini vous donne cette envie pour certains de relire aussitôt pour redécouvrir chaque mot, s'imprégner de chaque passage, ressentir chaque instant, éprouver la même émotion comme la lecture d'un poème qui fait appel à nos plus grand secret, à nos plus grand souvenir sa lecture et sa relecture nous confère un plaisir à nulle autre pareil..un plaisir, hélas, qui est difficile de faire partager tant il est soi.<br /> <br /> Les livres historiques sont pour moi une source de connaissance leur forme narrative me rappelle l'époque de la scolarité mais la passion est là. Quelle sensation de découverte, comme un enfant qui découvre qu'il peut marcher, un passage est une source de savoir qui rappelle d'autres savoir, d'autre lieux visités, d'apprentissage.<br /> <br /> On s'aperçoit alors que notre mémoire foissent d'événements que nous pensions oubliés ; inconsciemment nous faisons référence à des lectures, à des passages étudiés ou seulement lu dans une salle d'attente. C'est fou ce qu'elle peut prendre comme photo alors que nous pensons que le moment n'est qu'instantanné.<br /> <br /> C'est comme la lecture d'un texte, d'un extrait de texte pour peu que celui-ci dégage une émotion : gaïté, tristesse, réflexion, notre esprit se met en action nous assimilons les notions, les mots qui dansent sous nos yeux puis les connexions se font et nous retrouvons au plus profond de nos inconscients un texte qui fait référence à ce que nous lisons.<br /> <br /> N'avez-vous pas remarquer qu'une fois que cette démarche est fait nous tentons de le retrouver pour de nouveau le savourer, le relire ou le citer pour simplement faire partager cette intensité que nous venons nous-même de ressentir. Dans cet instant de partage nous communiquons un part de nous celle de notre coeur.<br /> <br /> Les livres donnent cette possibilité de nous ouvrir au monde et Elizabeth a raison de dire qu'ils nous tiennent pas rancune car ils savent que nous allons les relire et relire jusqu'à parfois à en user les pages, une compagnie de chaque jour, un bien être constant.
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