C'était en 1968
En ce mois de mai, je viens de fêter mes 18 ans. Ce matin-là, je rejoins mon lycée comme chaque jour. Un lycée simple et plutôt populaire, dans le troisième arrondissement de Lyon, le lycée Antoine Charrial.
Je ne sais pas combien nous sommes dans ce lycée, ce n'est pas ma préoccupation du moment. J'arrive
près de la cour et je vois une masse de jeunes se coller les uns aux
autres comme s'il allait se passer quelque chose d'important.
Je
n'avais pas à l'esprit les problèmes de notre société. Je vivais
l'insouciance de la jeunesse, les joies de la camaraderie, du sport et
j'écoutais les Beatles.
Je ne me rappelais plus que la veille, mon copain de classe m'avait prévenu qu'il y aurait la grève le lendemain. J'entrai
dans la cour, un peu agacé et ahuri. Le bureau du Proviseur avait été
pris d'assaut par quelques-uns des lycéens, que je ne connaissais pas.
Des littéraires pour la plupart, je crois.
A peine quelques minutes
après mon arrivée, je discutais avec des potes, et, de la fenêtre du
bureau du Proviseur, à l'aide d'un micro, un lycéen de terminale demanda
"à la cour" sans discours préalable : "Ceux qui sont pour la grève, à ma gauche !".
Un
grand mouvement de foule devant représenter environ 80 pour cent se
déplaça sans que je puisse y faire quoi que ce soit et je restai là,
interdit.Puis, l'autre ajouta : "Ceux qui sont contre la grève, à ma droite !"Un
petit mouvement de foule devant représenter environ 20 pour cent se
déplaça à nouveau, sans que je puisse y faire quoi que ce soit et je
restai là, interdit.
Pendant que je levai la tête pour savoir s'il
allait demander à ceux qui n'étaient ni pour ni contre la grève de
rester au centre, il opina d'un grand sourire et dit :"Vous êtes 80 pour cent à avoir voté la grève. Nous sommes en grève et nous allons manifester dans la rue". Une
grande clameur de satisfaction s'empara du côté le plus nombreux
pendant que les autres acceptaient sans difficulté la sentence.
Alors
que je restai un moment tout seul assis sur mon banc, au milieu de la
cour, je me mis à penser à ce que je pourrais faire maintenant et que je
n'avais pas prévu. Je me dis que finalement, c'était super, comme un
jour de vacances imprévu ; ce sont les meilleurs. Comme j'avais une
nouvelle passion, le billard français, j'entrepris de prendre le chemin
de ce bar où l'on peut tranquillement jouer à ce jeu passionnant, dans
une salle à part, où les joueurs qui veulent vraiment apprendre ce jeu
difficile et magnifique peuvent le faire sereinement.
Aujourd'hui, avec le recul, je me dis qu'à l'époque, nous étions (les jeunes) très matures finalement (pas moi bien sûr).
Parce que ce jour là, ce fut une sacrée leçon de démocratie comme on aimerait les voir aujourd'hui dans nos rues. Et oui, ils avaient fait voter la 'cour" avant de descendre dans la rue.
Alors
je ne veux pas faire dans l'inquiétude, surtout en ce moment, ce ne
serait pas bon pour ma santé, mais quand je vois comment cela se passe
aujourd'hui dans les lycées où chacun veut imposer sa loi, je suis
troublé.
Quand j'entends certains responsables politiques appeler à la violence, je suis troublé.
Quand je vois les infos diffuser quelques images où l'on voit des jeunes voyous hurler :
"A mort les patrons !".
Je suis troublé.
Alain
Moi aussi je suis troublé par le comportement de certains. Il est évident qu’il faut réformer les retraites en France. C’est d’autant plus important que l’espérance de vie s’accroit constamment. Je suis troublé par l’irresponsabilité qui consiste à mettre de l’huile sur le feu. La crise est là et bien là. Des entreprises ferment leur porte et le chômage augmente. Je suis troublé aussi par les inégalités sociales qui ne cessent de grandir. L’écart s’accroit entre riches et pauvres. PDG et actionnaires des grands groupes s’enrichissent alors que les salariés sont licenciés ou transplantés. L’attitude des banques est souvent inqualifiable. J’ai apprécié la fin du communisme, système séduisant basé sur la solidarité mais perverti par ses dirigeants Je suis déçu et inquiet de la tournure que prend le capitalisme. Mais je ne pense pas que la grève soit la meilleure expression du mécontentement. Il existe d’autres alternatives. De toute façon tout est en train de changer. Comme le dit Marie Christine « Le peuple murit et commence à prendre conscience des manipulations. C'est tout le système qui va être remis en question .Les valeurs, les conditionnements, les croyances, les faux besoins ... Tout cela va tourbillonner, faire une jolie valse dans les airs et retomber en décantation purificatrice. »
Il est facile de faire preuve de démagogie , plus difficile d’être dans une attitude de solidarité.
Aller, encore un beau sujet de discussion...... Quand on aborde le domaine politique, il faut craindre le pire !!
Daniel