Une histoire de vaccin
Les vaccins sont prêts à partir. Le pharmacien les a soigneusement placés dans une boîte en carton laquelle est glissée dans un sac de camping. La boîte en carton est entourée de glace, elle -même placée dans des sacs en plastique. Les vaccins devraient être ainsi protégés de la chaleur, pendant 24 heures, le temps de les acheminer jusqu'à Kissidougou. Nous sommes en Guinée et Kissidougou est situé à 620 km de Conakry, la capitale, là ou réside le pharmacien. En Guinée, pas de trains et les voyages en avions coûtent fort chers. Seul moyen de transport: le taxi brousse.
Mais il faut d'abord se rendre à la gare routière pour louer un taxi brousse. Aujourd'hui à Conakry, il pleut et la pluie engendre des bouchons inextricables. Il faudra cinq heures au pharmacien pour atteindre la gare routière, située seulement à quelques kms de la pharmacie.
Une course contre la montre s'engage. Les vaccins sont destinés à l'hôpital de Kissidougou, un hôpital démuni de tout ou s'entasse de nombreuses femmes enceintes. Une seule infirmière, une seule ambulance qui ne peut sortir qu'une fois par jour en raison de la pénurie d'essence, pas d'eau courante....
Abbas, le chauffeur est là. Il place les médicaments sous son siège. La glace commence à fondre. Le temps d'embarquer les neufs personnes à bord de son taxi, dont deux bébés et deux chauffeurs, il faudra trois heures pour sortir de Conakry. Il reste environ 16 h au chauffeur pour mener les vaccins à bon port. Son taxi collectif a 22 ans d'âge et 450 000 kms au compteur. Il est plein à craquer avec ses passagers et leurs bagages. La nuit commence à tomber sur la forêt guinéenne et la route nationale se réduit à une piste boueuse, parsemée d'ornières. Une boue gluante, toute rouge qui colle aux pneus.
La nuit s'épaissit et résonne de mille bruits qui montent dans le ciel. Le chauffeur est obligé par moments de faire sortir les passagers pour alléger la charge et son taxi tangue dangereusement. Tout le long de la route, des camions renversés, des voitures abandonnées.....Pour éviter des attaques nocturnes, la nuit, par les bandits de grand chemin, Abbas trouve prudent de s'arrêter de minuit à 5 h du matin dans un petit village.
Au petit matin, il y a 22 heures que les vaccins voyagent et il ne reste plus beaucoup de glace. Au bout de 24 h ils arrivent enfin à Kissidougou mais la pharmacie qui doit les recevoir est fermée! Le chauffeur appelle le pharmacien qui arrive une heure plus tard. Les vaccins sont placés in extremis au réfrigérateur !
Faire parvenir des médicaments au quatre coins de la Guinée relève du miracle et est un vrai casse tête. Nous sommes bien loin de notre système de sécurité sociale !
Daniel( Les routes de l'impossible sur France 5)