Bon sang !
Bon sang, je n'ai pas vu passer ma vie! Un coup de vent, un éclaire, un grain de poussière ! Je commence à me réveiller doucement. Il serait temps. Et pour couronner le tout, j'ai peu de souvenirs: quelques instants de mon enfance, quelques épreuves douloureuses, le jour de mon mariage........C'était au mois de juin, il faisait beau et le soleil accompagnait la fête. Nous étions jeunes, à peine sortis de l'adolescence. La vie nous tendait les bras. C'était le temps de l'insouciance. Nous avions déjeuné sous une tonnelle et danser sur les graviers. Tous les amis étaient là. Ma grand mère avait mis son beau chapeau. Très drôle de la voir habillée comme cela, moi qui la voyais tous les jours avec sa blouse.
Le temps a passé et me voilà maintenant. Je ne travaille plus, je suis en retraite. Beaucoup de mes amis regrette le temps de la vie active. Certains s'ennuient. Moi pas du tout. Le jour où j'ai fermé pour la dernière fois la porte de mon bureau, j'ai tourné la page sans regrets car j'avais d'autres projets.
Cependant il m'a fallu plusieurs années pour comprendre que ce temps, apparemment de repos, pouvait être riche de nouveautés. J'ai compris que cet instant de vie, libre, sans liens sociaux obligatoires et intéressés, emprunt d'une certaine expérience de la vie, était aussi un fabuleux moment pour désapprendre tout ce que l'on m'avait inculqué ou que j'avais pu acquérir. Car on en empile de choses!
Tiens en voilà des exemples !: des frustrations, des croyances, des idées reçues, des habitudes, des stéréotypes, des désirs, des buts à atteindre, de l'argent, des biens, etc.......Et toujours plus.
Heureux temps que celui de la retraite car les contraintes sont moindres et on peut commencer à faire le grand nettoyage. Surtout ne nous en privons. J'ai commencé, il y a maintenant deux ans. Bien sûr tout n'est pas parfait mais une certaine légèreté imprègne tout doucement ma vie, comme une libération. Mon être intérieur commence à être plus présent, à mieux respirer, en un mot, à mieux vivre. J'aurais du commencer à m'alléger bien plutôt. Nul regret, cependant. Il devait en être ainsi.
Alors je n'hésite plus à prendre les chemins de travers, à exprimer ce que je pense, à ne plus me comparer aux autres. J'arrive ainsi à faire émerger de moi des choses insoupçonnées et je m'en étonne souvent. J'ai la sensation que mon sens créatif se développe, mon intuition s'affine. Je me désencombre, je fais le vide et la nature ayant horreur du vide, je me remplis d'autre chose.
Je suis l'exemple vivant de ce que sont les vases communicants! Se vider d'un côté pour se remplir de l'autre !