Le départ
Comme c’est étrange, j’ai l’impression de voler, je suis devenu si léger d’un seul coup. J’ai la sensation de me déplacer facilement dans un espace un peu ouaté. Mais où suis-je donc ? Je suis saisi d’une sourde angoisse. Au loin je vois des ombres qui bougent et certaines se rapprochent de moi. J’entrevois des visages qui ne me sont pas inconnus. Qu’est-ce que je fais là ! Je veux toucher mon corps mais je ne sens rien. Où sont mes bras, mes jambes. Plus de corps ! Mais c’est pourtant moi. Alors brusquement je me souviens : je suis mort !! C’était la nuit et mon cœur s’est arrêté brusquement de battre. Efficace, rapide et sans douleur si j’ose dire ! Une belle mort que tout le monde souhaiterait avoir. Quelle chance !
Je suis dans un autre monde plus vaste où je peux me déplacer à la vitesse de l’éclair. Il suffit que je pense à un endroit pour y être. Le monde des vivants me manque déjà……Il faut bien que je m’habitue car j’ai la sensation que je vais rester dans ce monde si particulier un certain temps. Je manque de repères. Tout me paraît irréel. Descendons un peu voir ce qui se passe….Instantanément je me trouve au milieu de mon enterrement. Ils ont fait les choses bien. Beaucoup de fleurs sur mon cercueil et le printemps des quatre saisons de Vivaldi qui s’élève sous la voute. Ils ont respecté mes dernières volontés. C’est déjà ça !! Tout cela a de la gueule avec une certaine solennité...... Ils ont l’air tristes, sauf le petit gros, assis là-bas, au fond de l’église. C’était mon voisin. Il ne m’aimait pas. Je le vois dans son cœur car maintenant je peux tout voir !
Je m’approche de mon cercueil et je vois mon corps. Quel drôle d’effet. C’est moi ça ! C’est devenu un simple objet sans vie ! Ma femme est là et je voudrais lui parler. Je lui dis quelques mots de réconfort mais elle ne m’entend pas, ne me voit pas. Comme une barrière que je ne peux franchir. Je suis triste. Je sais que c’est fini dans ce monde. J’aimais ma vie, j’avais mes habitudes, mes amis. Je regrette de ne m’en avoir assez profité……Tout cela est terminé. Une larme coule sur mon visage invisible. Je sens une main qui se pose sur mon épaule. Je me retourne et je vois mon père, jeune, beau et souriant. Il me dit « Viens il faut partir ! »