L'Algérie
Il y a cinquante ans, les accords d’Evian mettaient fin à la guerre d’Algérie. La presse et la télévision viennent de commémorer cet événement, prélude à l’indépendance de l’Algérie. Cela me rappelle plein de souvenirs.
La place de la poste à Alger
J’avais 15 ans, l’âge de l’insouciance. Mon père, militaire, venait d’être affecté à Alger et ma mère avait décidé de le suivre. Nous sommes donc partis à la fin de l’année scolaire. J’avais le cœur gros de quitter tous mes amis. Pourtant ce fut une période heureuse pour moi. La guérilla urbaine bâtait son plein et Alger était devenue une ville dangereuse où les attentats commençaient à se multiplier: voitures piégées, bombes dans les cinémas et tramways.
Nous habitions sur les hauteurs de la ville, à Diar El Massoul, un ensemble immobilier construit par l’architecte Pouillon. Les bâtiments étaient magnifiques édifiés en pierres de tailles venues de France. Lorsqu’on se levait le matin, la mer en contrebas était déjà inondée par le soleil. Un téléphérique reliait la résidence au front de mer en quelques minutes. En bas se trouvait le quartier d’El Biar( je ne suis plus sûr du nom….)avec un beau jardin botanique où les perroquets pullulaient dans les arbres. Arabes et français cohabitaient dans la résidence. On y voyait de tout : la solidarité, le choc des cultures (nos voisins étaient des arabes et élevaient un coq dans leur appartement et faisaient pousser le persil dans le bidet), la haine aussi. Je me souviens d’un voisin français qui ne supportait pas que les petits arabes viennent s’asseoir devant sa porte. Il les chassait méchamment. J’étais insouciant et tout cela ne m’affectait guère. Je jouais au foot sur la place de la résidence. La guerre était à deux pas mais nos cris résonnaient de joie. Tous les enfants étaient complices. On allait aussi jouer au ravin de la femme sauvage, un endroit un peu retiré où eut lieu un terrible attentat un peu plus tard. J’allais au lycée Bugeaud, situé de l’autre côté de la ville. Je prenais le tramway et traversais tout Alger : la rue Michelet, la rue d’Isly, puis on arrivait à Bab El Oued et la Kasbah. Un beau lycée où se retrouvaient tous les français. Je restais à la cantine. C’est là que j’ai mangé le seul et unique couscous de ma vie. Un couscous qui m’avait rendu malade comme un chien. J’aimais beaucoup Alger, une très belle ville, escarpée avec ses petites ruelles et ses escaliers. Il y avait, malgré la dureté de la guerre, une douceur de vivre, une ambiance très méditerranéenne avec des épiceries tenues par les mozabites, des cafés où les arabes jouaient aux dominos en fumant le narguilé. Une ville du sud, animée et grouillante de monde avec ses beaux cinémas où l’on vous fouillait avant d’entrer. Ville cosmopolite où cohabitaient les communautés arabes, pieds noirs, juifs et aussi espagnoles.
La plage de Si Ferruch
Le dimanche nous partions à la plage à Sidi Ferruch ou, plus chic, au club des pins, un endroit fermé avec de belles villas, devenu depuis, je crois, la résidence des autorités algériennes. On traversait la riche plaine de la Mitidja qui regorgeait d’orangers, de vignobles, de vastes champs d’artichauts. Les routes étaient belles, bordées d’arbres, la nature luxuriante. Je suis resté dans ce beau pays seulement pendant un an ou deux, ma mère ayant peur de la guerre. Je suis rentré en France avec regret, retrouvant mes amis et ma maison.
Triste guerre que celle d’Algérie qui aurait pu être évitée si la France avait accepté l’indépendance un peu plus. Une guerre qui a fait beaucoup de victimes et de déracinés(les pieds noirs et les harkis). Une guerre à l’image des hommes, vindicatifs et violents, possessifs et nationalistes.
Daniel