28 février 2020
L'immeuble de la rue Oberkampf(2)
Troisième étage (porte droite) Mme Dubec
Il pleut sur Paris ce matin, une pluie qui vous prend de face et vous cingle le visage, portée par le vent d'ouest. Mme Dubec courbe le dos et avance à petits pas. Comme tous les mardis matin, elle se rend à l'office de 9 h, à l'église Saint Ambroise. Elle aime bien cette église, elle y a ses habitudes et pour rien au monde ne dérogerait à ce rituel qui lui paraît comme essentiel car Mme Dubec éprouve un amour immodéré pour Jésus, cet être si beau avec sa barbe blonde.
C'est le seul homme de sa vie, celui qu'elle vénère et en qui elle croit le plus. Alors elle entre dans l'église et va s'installer toujours à la même place, au premier rang, face l’autel. Il y a peu de monde....
Il faut dire que l'église n'attire plus guère les foules. Au moins ceux qui sont là sont de bons chrétiens. Toujours les mêmes...Beaucoup de femmes et des femmes âgées. Juste à côté d’elle, il y a Mme Badin. Ah Mme Badin !! elle ne l'aime pas. D'ailleurs elle ne lui dit jamais bonjour. Avec ses minauderies elle essaie d'attirer l'attention du jeune curé de la paroisse, un beau jeune homme élégant, arrivé depuis peu....Le curé non plus elle ne l'aime pas. Il ne la regarde jamais, ne lui a jamais parlé.
Il faut dire que Mme Dubec passe inaperçue car tout est grisaille chez elle : ses vêtements, sa vie. Pas d'amies, une vie monotone. Seul Jésus lui apporte un peu de joie de vivre car elle a la foi, une grande foi, une foi inébranlable qui l'a bien aidée à traverser l'existence. Alors elle récite des prières, des "Notre Père" en veux-tu en voilà, des "Salut Marie" jusqu'à saturation. Elle manque d'amour.
Mme Dubec ferme les yeux, se met à genoux et entre en prière.....L'orgue égrène ses notes et Monsieur le curé entonne le Notre Père. Une heure à prier, loin du monde.......
Daniel
Commentaires sur L'immeuble de la rue Oberkampf(2)
- Ces bons chrétiens à qui Jésus rient lieu de vie personnelle."Heureux les simples en esprit."
- Je dois dire que j'éprouve beaucoup de sympathie et d'affection pour Madame Dubec.
Et ton texte me rappelle aussi certains dessins de Sempé situés dans les églises
comme celui-ci par exemple :
https://edmondprochain.files.wordpress.com/2009/06/sempe-peche.jpg
Sempé qui aimait les gens… - Ce qu'ils disent ? C'est très perso sans doute…
il est à la proposition de Jésus : « quand vous priez dites… »
il y a la Bible qui invite à la rencontre au désert : c'est-à-dire au silence et à l'écoute…
il y a sûrement les quémandeurs, les râleurs, etc.
et puis il y a Sempé… qui fait parler bien des dames (rarement des hommes) qui s'adresse à Dieu dans ces fameux dessins situés dans les églises.
J'ai un certain nombre d'albums de Sempé grand format que je feuillette parfois avec délices… c'est fou ce qu'on apprend à regarder à travers les yeux de cet homme.

A moi de te confier un morceau de mon coeur.
En ce temps de grisaille et de carême, ma vie de foi était quasi nulle.
J'ai honte ...
Tant pis, me disais-je, c'est que Jésus ne veut plus que je L'entende pour le moment.
Mais je n'ai jamais pensé, comme certains, qu'Il m'avait abandonné.
Et puis, voici qu'au milieu de ma relative quiétude, les épreuves réapparaissent.
Toutes ensemble !
Petites angoisses qui paralysent et qui mettent le moral par terre.
Bien que j'y reste fidèle, les messes ne me touchent plus du tout ces temps-ci.
Pauvre prêtre à la parole sans saveur, au milieu de ces 15 têtes blanches dans une église froide.
Jusqu'à ce dernier dimanche, dans une grande ville de ma région.
A 11h00, je la connais bien cette grande église en brique et pierre, fin XIXème, avec sa pénombre, ses vitraux, son orgue, et son odeur.
J'y ai enterré mes 2 grands-mères entre 1994 et 1997.
Là, un monde fou, des vieux bien sûr, mais aussi des jeunes, et des familles.
De beaux chants.
Et voici que le prêtre, grand gaillard barbu de 45 ans, le bien nommé, car il se nomme l'abbé Ledieu !
Et voici qu'il entame son homélie.
Je savais que sa parole était souvent touchante et bienvenue.
Il attaque en s'adressant aux enfants :
"Vous n'êtes pas parfaits vous les enfants ?
Et c'est bien normal, puisque vos chers parents ne sont pas parfaits non plus."
Puis c'est l'image de "Tendre l'autre joue" qui me rejoint.
Je vivais justement une colère au fond de moi, avec l'envie furieuse de combattre le (la) coupable.
A mesure que la parole avançait, je la trouvais bien ajustée pour moi, avec quelques larmes qui perlaient de mes pauvres yeux.
Au sortir de l'office, j'étais en paix, presque avec le sourire, et surtout avec le goût de ne plus m'opposer à ma femme.
Advienne que pourra !
- Ton texte est bien émouvant et sincère....Et en plus bien écrit !! Ce fut donc en quelque sorte un instant de grâce; J'ai toujours pensé que les épreuves, même si elles sont lourdes à porter, sont là pour nous faire avancer. Le vent de la vérité souffle souvent dans les instants de difficultés. Bon courage à toi !

La Foi s'acquiert de jour en jour : c'est une question de volonté qui attire "la Grâce" ! Lorsqu'on se trouve dans un moment de désert spirituel, recours à une petite histoire : "sur le Chemin, un seul pas ! Jésus, où es-tu ? Jésus répond : Ne le vois-tu pas ? Je te porte, mon enfant !" Voilà !
Il est humain d'aimer ou de ne pas aimer : mais il n'est pas chrétien de détester la voisine de banc ou le curé.... "Aimer vos ennemis" est la chose la plus difficile qui soit ! La prière du coeur à coeur devrait être en priorité : "Mon Dieu, aidez moi à aimer comme tu nous aimes !" C'est peut être ce que se disent les fidèles autour de toi dans l'Eglise.... Dans la méforme, nous devenons souvent des coeurs durs à la bouche mauvaise, car nous oublions ou refusons de lire en Esprit et Vérité la Parole de Dieu... qui est loin d'être une doctrine, mais une Parole tellement vraie et qui nous entraîne loin.... Justement, si loin, que les coeurs tièdes renâclent à La suivre.... Examen de conscience en plein Carême, période de cogitations spirituelles et de remise en question....
Merci Daniel et bcp de bisous


Avoir la foi, sous quelque forme qu'elle s'exprime, est un véritable trésor dans une vie sans joies, quand bien même ces personnes restent totalement humaines en aimant ou n'aimant pas untel ou untel. Il est clair qu'on est bien loin du "tu ne jugeras pas" mais bon, qui peut prétendre n'avoir jamais jugé autrui ? Jésus, ou l'image qu'elle s'en fait, est peut-être le seul trésor qu'a dans sa vie cette petite madame Dubec. Quand on manque d'amour, c'est une grande chance de pouvoir encore aimer et se sentir aimé(e).

Je te laisse ses mots de Cabrel
Elle disait "j'ai déjà trop marché"
Mon cœur est déjà trop lourd de secrets
Trop lourd de peines
Elle disait "je ne continue plus"
Ce qui m'attend, je l'ai déjà vécu
C'est plus la peine
Elle disait que vivre était cruel
Elle ne croyait plus au soleil ni au silence des églises
Même mes sourires lui faisaient peur
C'était l'hiver dans le fond de son cœur