La femme du Président
La lourde berline venait de quitter l’appartement depuis 5 mn et filait maintenant à vive à allure. Assise confortablement sur la banquette arrière, elle soupira profondément pendant qu’elle regardait, distraitement par la vitre, le paysage terne de la banlieue qui défilait devant ses yeux. En fait elle était contrariée depuis qu’elle avait appris qu’un déjeuner officiel venait de se glisser dans l’emploi du temps d’un protocole déjà bien rempli. Normalement ils auraient du rester à la maison ensemble toute la journée. Elle se faisait une joie d’être enfin en tête à tête avec son mari pour quelques heures. Elle avait tant à lui dire. Et puis patatras !!
Sa vie avait bien changé depuis les dernières élections et déjà elle commençait à en avoir assez.
Son mari était assis à côté d’elle, le téléphone portable à l’oreille. La conversation semblait animée. Sa voix était tranchante et des tics nerveux électrisaient son visage Elle ne supportait plus cet odieux téléphone et haïssait cette invention qui lui gâchait la vie. Impossible d’avoir ensemble une conversation suivie. Certes la vie matérielle était agréable. Elle pouvait s’offrir certains petits plaisirs et son rôle semblait important. Mais il ne convenait pas du tout à ses attentes. Elle devait s’effacer constamment devant son mari, présenter un profil toujours lisse, faire la conversation sur des sujets qui l’ennuyaient et avoir un visage toujours souriant. Autant dire que la pression qui pesait sur ses épaules était grande, pression due au poids des traditions mais aussi à l’attitude des médias. Elle se sentait observée, épiée, jugée. Elle était devenue la proie des pires mesquineries. Pas le moindre faux pas, sinon la foudre lui tombait sur la tête. Elle enleva ses chaussures, achetées la veille, rue Montaigne. Elles lui faisaient un peu mal aux pieds. La douceur du tapis de la voiture lui sembla fort agréable. D’un coup elle se sentit protégée et se détendit.
Le fossé se creusait doucement entre elle et son époux. Elle avait de plus en plus de mal à comprendre sa soif du pouvoir, son désir de diriger les autres et plus grave encore, cette tendance à se déconnecter de la vie courante. Autant elle l’avait admiré dans leurs jeunes années, autant maintenant tout cela lui semblait vain. Ces derniers mois, le malaise qu’elle ressentait devenait encore plus présent. Un mal être s’était installé, un rejet de tout ce monde, somme toute, assez artificiel.
Comment cela, allait-il finir ?
La voiture franchit le portail du château. Elle entendit les pneus crissés sur les gravillons. Aussitôt elle rechaussa ses escarpins, sortit le rouge à lèvre de son sac qu’elle fit glisser sur les contours de sa bouche. Avec sa main, elle remit ses cheveux en ordre. La voiture s’arrêta et un huissier ouvrit la portière. Elle descendit un sourire sur les lèvres. Elle était très belle dans sa longue robe noire qui moulait admirablement ses formes. Son mari s’avança vers elle, lui prit la main et ils montèrent les marches du perron pendant que quelques photographes mitraillaient la scène.
Daniel