Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Les voies de l'âme
5 décembre 2011

Une petite boite infernale: l'ego

Un sujet qui m’est cher, un sujet important dont on ne mesure pas toujours la portée. Tous nos problèmes proviennent de notre égo, de notre propension à filtrer, transformer les informations qui nous parviennent pour satisfaire notre égo et à rejeter toute celles qui ne nous conviennent pas, d’où nos peurs, notre agressivité, nos tensions. Plus l’égo est fort, plus on est fragile et plus on risque "de pêter les plombs"

Matthieu-Ricard-Dès ma première rencontre avec des sages de la tradition du Bouddhisme tibétain, j’ai été frappé par le fait qu’ils manifestaient d’une part une grande force intérieure, une bienveillance sans faille et une sagesse à toute épreuve, et d’autre part une complète absence du sentiment de l’importance de soi. J’ai moi-même observé à quel point l’identification à un « moi » qui siégerait au cœur de mon être est une source de vulnérabilité constante, et que la liberté intérieure qui naît d’un amenuisement de cette identification est une source de plénitude et de confiance sans égale.

Comprendre la nature de l’ego et son mode de fonctionnement est donc d’une importance vitale si l’on souhaite se libérer des causes intérieures du mal-être et de la souffrance. L’idée de se dégager de l’emprise de l’ego peut nous laisser perplexe, sans doute parce que nous touchons à ce que nous croyons être notre identité fondamentale.

Nous imaginons qu’au plus profond de nous-mêmes siège une entité durable qui confère une identité et une continuité à notre personne. Cela nous semble si évident que nous ne jugeons pas nécessaire d’examiner plus attentivement cette intuition. Pourtant, dès que l’on analyse sérieusement la nature du « moi », l’on s’aperçoit qu’il est impossible d’identifier une entité distincte qui puisse y correspondre. En fin de compte, il s’avère que l’ego n’est qu’un concept que nous associons au continuum d’expériences qu’est notre conscience.

Nous pourrions penser qu’en consacrant la majeure partie de notre temps à satisfaire et à renforcer cet ego, nous adoptons la meilleure stratégie pour atteindre le bonheur. Mais c’est faire ainsi un mauvais pari, car c’est tout le contraire qui se produit. L’ego ne peut procurer qu’une confiance factice, construite sur des attributs précaires – le pouvoir, le succès, la beauté et la force physiques, le brio intellectuel et l’opinion d’autrui – et sur tout ce qui constitue notre image.

Une confiance en soi digne de ce nom est tout autre. C’est paradoxalement une qualité naturelle de l’absence d’ego. La confiance en soi qui ne repose pas sur l’ego est une liberté fondamentale qui n’est plus soumise aux contingences émotionnelles, une invulnérabilité face aux jugements d’autrui, une profonde acceptation intérieure des circonstances, quelles qu’elles soient.

Cette liberté se traduit par un sentiment d’ouverture à tout ce qui se présente. Il ne s’agit pas d’une distante froideur ni d’un détachement sec, comme on l’imagine parfois lorsque l’on parle du détachement bouddhiste, mais d’un rayonnement altruiste qui s’étend à tous les êtres. Lorsque l’ego ne se repaît pas de ses triomphes, il se nourrit de ses échecs en s’érigeant en victime. Entretenu par ses constantes ruminations, sa souffrance lui confirme son existence autant que son euphorie. Qu’il se sente porté au pinacle, diminué, offensé, ou ignoré, l’ego se consolide en n’accordant d’attention qu’à lui-même.

L’attachement à l’existence de l’ego considéré comme une entité unique et autonome est fondamentalement dysfonctionnel, car il est en porte-à-faux avec la réalité. Fondé sur une erreur, il est constamment menacé par la réalité, ce qui entretient en nous un profond sentiment d’insécurité. Conscient de sa vulnérabilité, l’ego tente par tous les moyens de se protéger et de se renforcer, éprouvant de l’aversion pour tout ce qui le menace et de l’attirance pour tout ce qui le sustente. De ces pulsions d’attraction et de répulsion naissent une foule d’émotions conflictuelles.

En vérité, nous ne sommes pas cet ego, nous ne sommes pas cette colère, nous ne sommes pas ce désespoir. Notre niveau d’expérience le plus fondamental est celui de la conscience pure, cette qualité première de la conscience et qui est le fondement de toute expérience, de toute émotion, de tout raisonnement, de tout concept, et de toute construction mentale, l’ego y compris. Pour démasquer l’imposture du moi, il faut ainsi mener l’enquête jusqu’au bout. Quelqu’un qui soupçonne la présence d’un voleur dans sa maison doit inspecter chaque pièce, chaque recoin, chaque cachette possible, jusqu’à être sûr qu’il n’y a vraiment personne. Alors seulement peut-il avoir l’esprit en paix.

Si l’ego constituait vraiment notre essence profonde, on comprendrait notre inquiétude à l’idée de s’en débarrasser. Mais s’il n’est qu’une illusion, s’en affranchir ne revient pas à extirper le cœur de notre être, mais simplement à ouvrir les yeux, à dissiper une erreur. L’erreur n’offre aucune résistance à la connaissance, comme l’obscurité n’offre aucune résistance à la lumière. Des millions d’années de ténèbres peuvent être dissipées instantanément lorsqu’une lumière est allumée.

Matthieu Ricard

 

matthieu ricard2Il est le fils du philosophe, essayiste et journaliste Jean-François Revel (né Jean-François Ricard) et du peintre Yahne Le Toumelin. Il réside actuellement au monastère de Shéchèn au Népal. Moine bouddhiste depuis 1979, il est l’auteur de plusieurs ouvrages concernant le bouddhisme. Il consacre l’intégralité de ses droits d’auteurs à une quarantaine de projets humanitaires menés à bien au Tibet, au Népal et en Inde (cliniques, écoles, orphelinats, ponts), sous l'égide de l'association Karuna-Shechen,.

Passionné de photographie, il a réalisé plusieurs livres de photos.

Depuis 2000, il fait partie du Mind and Life Insitute, qui facilite les rencontres entre la science et le  bouddhisme, et il participe activement à des travaux de recherche qui étudient l'influence de l'entraînement de l'esprit à long terme sur le cerveau ( plasticité neuronale) qui se poursuivent aux Universités de Madison-Wisconsin, Princeton, Berkeley aux Etats-Unis et Zurich en Suisse.

 

Commentaires
J
Pour répondre à votre demande l'auteur de ce texte est Alain Noël faisant partie de la Fraternité de la Sainte croix.<br /> <br /> Pour répondre à votre question, je commencerai par une histoire :<br /> <br /> Jean Valjean était un mécréant aux yeux de la Société. En rencontrant un curé lui faisant don de deux chandeliers après qu'il les aie volés et un petit ramoneur il se rend compte qu'il est un misérable.Il accepte de changer ou d'évoluer comme vous voulez. Son péché à ses yeux et aux yeux de la Société est Enorme et ne peut être remis de quelque manière que ce soit.Pourtant malgré ses faiblesses il transforme ses péchés.<br /> Javert est un homme droit, juste appliquant la justice de l'homme en l'identifiant à la justice de Dieu. Aussi s'estime-il "Bon". Néanmoins à la fin il se rend compte que lui le juste est mécréant et que le mécréant est bon.<br /> <br /> Pourquoi ? Car l'un s'est considéré comme mort au péché et vivant pour Dieu (Romain 6,11).Qu'est-ce que cela signfie ?<br /> Cela signifie "se regarder comme" par une converstion de l'intelligence et du regard que nous portons sur nous-mêmes.Ce n'est pas un regard naturel mais d'espérance.<br /> En d'autres termes le regard que nous portons sur une ou des situations peuvent-être perçues de différentes manières selon le regard que nous posons sur elle(s). <br /> Ainsi de passer à lutter contre ce péché sur lequel notre regard se trouve centré enfermant et empêchant toute espérance, nous passons à sa mort ne lui accordant plus l'importance que nous voulions lui accorder.<br /> Cette libération nous ouvre au monde tout comme Jean Valjean en mourant à son péché à oeuvrer pour le bien de tous.<br /> Alors que Javert n'a pas su mourir à ses propres péchés et à ceux des autres. Fermant son coeur au monde et à l'Homme.<br /> <br /> Je vous laisse méditer à ce raisonnement et écouter avec votre coeur cette notion.
Répondre
E
A force de parler de l'égo...<br /> On finira bien par attrapper la grosse tête !<br /> Hi ! Hi !
Répondre
M
Pour répondre à ta question, je l'ai entendu quelque part ...
Répondre
A
Un article d'une grande clarté qui cerne parfaitement ce qu'est l'ego. On a beaucoup écrit sur ce sujet et c'est un thème avec lequel je suis toujours en phase. Le gros problème c'est l'application dans la vie quotidienne ... <br /> Amitiés philosophiques.
Répondre
D
Cher Jean François, pourriez vous m'indiquer le nom de celui qui a écrit ce texte plein de sagesse. Seule petite restriction pour moi: la notion de péché.<br /> Comme vous avez raison avec cette phrase:l'absence d'égo serait l'absence même de jugement. L'égo n'arrête jamais de juger, comparer, classer.
Répondre
D
Marie Christine, de qui sont ces paroles:<br /> "Ne cherchez pas le pouvoir,<br /> Triste plaisir illusoire ;<br /> Soyez la simplicité,<br /> Vous connaîtrez la Vérité ."<br /> J'aime bien....<br /> Oui l'égo, c'est très fatiguant d'autant qu'il empêche le lâcher prise et qu'il filtre tout ce qui lui arrive.<br /> Quel soulagement quand on arrive à le mettre de côté.....
Répondre
J
Bonjour,<br /> Hier je suis tombé par hasard sur le site de Beauvoir et j'ai vu votre lien.<br /> Votre texte en appelle un autre :<br /> <br /> "Spirituellement, selon notre croyance, nous pouvons vivre sous tel ou tel régime vital. Nous pouvons donc choisir entre le régime de la justice ou celui de la Miséricorde<br /> Sous le régime du jugement : nous sommes fort ; nous jugeons les autres, nous nous jugeons, Dieu nous juge. Nous vivons « au mérite » acquis à force de luttes, de renonciations ; à la force du poignet. Nous avons choisi de suivre le Christ parce qu’il est le Sauveur et nous comptabilisons ce que nous faisons à son service afin d’être pleinement sauvé. Malheur aux autres, à ceux qui ne se convertissent pas ; aux mécréants en tous genres, voyous de basse espèce ou délinquants en col blanc. Nous, nous serons sauvés parce que nous agissons bien. <br /> <br /> Sous le régime de la Miséricorde : nous sommes faible ;nous reconnaissons que nous sommes pécheur et ce, dès le sein de notre mère. De ce fait, nous sommes incapable de ne pas pécher mais nous nous réfugions dans l’Amour de Dieu, nous atteignons ses entrailles et nous nous laissons purifier et recréer avec un cœur pur et un esprit raffermi. Nous ne recherchons pas nos propres mérites, mais nous nous emparons des mérites acquis par le Christ dans son saint sacrifice. Je sais que je ne puis me sauver moi-même, mais rien ne Lui est impossible et surtout je sais qu’il m’aime<br /> <br /> L’amer : c’est de se reconnaître pécheur. La douceur : de se savoir aimé et pardonné.<br /> Comme le dit David dans le psaume 50 (51) : « Pitié pour moi Seigneur dans ton Amour, selon ta grande miséricorde efface mon péché… »<br /> <br /> Nous sommes pécheurs dès le sein de notre mère. En cela nous sommes tous égaux. Nous avons besoin de le reconnaître pour pouvoir accueillir le salut de Dieu. <br /> Dans l’aujourd’hui de Dieu, nous sommes à un carrefour. Quelle voie allons-nous emprunter ? Le boulevard du jugement ou la rue de la Miséricorde ? Ce choix nous appartient.<br /> <br /> Le régime du jugement nous introduit dans la salle du jugement. Nos actes sont pesés. Pesé le bien, pesé le mal… et selon le résultat la sentence tombe. Justice et vérité sont là. Qui oserait prétendre qu’il peut être jugé digne selon la justice ? Qui oserait affronter Dieu et le regarder droit dans les yeux en se reconnaissant digne du salut ?<br /> <br /> On peut donc choisir une autre option : le régime de la Miséricorde.<br /> <br /> Une anecdote puisée dans le Talmud est très évocatrice : <br /> Tous les jours Dieu s’installe sur son Trône pour juger le monde. Mais quand il s’aperçoit que le monde mériterait tout à fait d’être détruit, il abandonne le Trône du jugement pour aller s’asseoir sur le Trône de la Miséricorde.<br /> <br /> Allons-nous marcher sur le chemin du salut avec une calculatrice à la main, dans un esprit maladivement comptable ou prendrons nous le chemin de la Miséricorde, dans la liberté joyeuse de l’Amour ?<br /> Lorsque nous atteindrons le Palais de notre roi, voulons-nous être introduit dans la salle de gauche, celle du jugement où dans la salle de droite, celle de la Miséricorde ? <br /> L’épisode du bon larron souvent qualifié de « Mystère de la Miséricorde » nous révèle, non sans stupéfaction, que le premier à entrer au Paradis est un malfaisant qui, au dernier moment, a choisi de se ranger sous le régime de la Miséricorde.<br /> La plus belle preuve d’Amour que nous pouvons donner au Christ est de prendre en considération son invitation : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » (Luc 6, 36-38)"<br /> <br /> Texte très Chrétien emprunt de Vérite. L'absence d'égo serait l'absence même de jugement.Une vie dans une totale miséricorde.Serions-nous le faire ?<br /> <br /> <br /> <br /> Jean François Prot
Répondre
M
Un homme intelligent et de valeur, ce Mathieu Ricard .<br /> <br /> C'est vrai, l'ego c'est l'impermanence, les chauds et froids, les hauts et les bas perpétuels .<br /> Méditer ne suffit pas, il faut aussi régénérer ses pulsions et ses émotions, et contrôler ses pensées .<br /> <br /> "Ne cherchez pas le pouvoir,<br /> Triste plaisir illusoire ;<br /> Soyez la simplicité,<br /> Vous connaîtrez la Vérité ."<br /> <br /> Je trouve que l'ego, c'est très fatigant .<br /> Soyons paresseux, cessons de penser au regard des autres, et on sera en paix !<br /> Seul le regard de Dieu est important !
Répondre
Les voies de l'âme
Archives
Derniers commentaires
Les voies de l'âme
Newsletter