Histoire des hommes
Il fut un temps où nous avions l'âme grossière,
Où le sang et la mort habitaient notre chair,
Il fut un temps figé où notre vie sur terre,
Taillée et burinée, ressemblait à la pierre.
Il fut un temps de longs et sombres marécages
Où notre âme débutait en son état sauvage,
Insensible aux douleurs, prête à tous les carnages,
Le temps de l'animal sans but et sans images.
Puis un jour s'alluma quelque lueur mentale,
Quelque bribe d'idée, quelque pensée banale
Dans nos vierges cerveaux dénués d'idéal,
De conscience de soi et du bien et du mal.
Ainsi naquit l'ancêtre de l'humanité,
Ainsi serions-nous tous primitivement nés,
Pauvres êtres incultes ici parachutés,
Mais bientôt responsables de notre destinée.
Et la pensée s'envole, la pensée vagabonde ...
Enrichie par le temps, elle s'avère féconde,
Essaimant ça et là sa "raison" sur le monde,
Tourbillonnant sans fin en vaste et folle ronde.
Sa passion créatrice entraîne à l'infini
Nos âmes ivres d'action et de nouveaux défis,
Elle invente les lois, l'art, la philosophie,
Le travail, la finance et la technologie.
Habile, elle se fait souveraine en nos corps,
Règne sur la matière, occupe le décor,
L'intellect est le dieu le plus haut qu'on adore,
Le maître incontesté de la vie, de la mort.
Mais parfois l'intuition vient narguer la raison,
Trahir ce grand chef-d'oeuvre d'organisation,
Ebranler la logique des fières convictions
Quand le ciel nous rappelle où est notre maison.
Oui parfois quelque goutte de pure Vérité,
Tombant de je ne sais quelque vasque sacrée,
Traverse notre esprit et nous laisse hébétés
Devant tant d'évidence et de simplicité.
Alors notre âme trouble rejoint son origine,
Elle soulève, délicate, le voile et s'illumine,
Découvrant son visage de beauté cristalline,
Son sourire de douceur et sa vois enfantine.
Elle ranime les coeurs, chante la dévotion,
Elle comble nos prières, apaise nos passions,
Elle nous dit qui nous sommes au fond de la prison,
Et devient le soleil de la libération.
Marie Christine