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Les voies de l'âme
7 janvier 2013

Le témoignage de Bertrand

Alain vient de m'adresser le témoignage d 'un ami, Bertrand qui est entrain de faire face à la maladie. Témoignage émouvant que l'on m'a permis de diffuser, témoignage qui donne aussi à réfléchir.

Dans la famille du sport, nous entretenons des relations profondes. Chaque fois que l’un d’entre nous est touché, nous sommes présents, pour l’écouter, le toucher, le soutenir. Nous sommes proches de la famille, des femmes, des enfants. Nous nous retrouvons, nous n’avons plus besoin de parler. Nos regards en disent long sur la vie, l’amitié, la fraternité, la souffrance, la maladie et la mort.

Nous aimons rire, partager, faire la fête, chanter la musique, éclater de rire, boire et danser.

L’un d’entre nous a été touché, un de plus.

Il écrit sa tragédie, sa vie, il veut la partager.

Alors voilà deux correspondances qui font de lui un homme, empli d’un courage et d’une sensibilité à faire couler les larmes de l’amour.

Alain

 

Lettre numéro 1 

Bonjour à tous,

espoirVous avez été nombreux à répondre à l’élan de solidarité orchestré par ma famille, suite à cette maladie qui me touche de plein fouet ; une semaine avant la découverte de ce cancer du cardia, j’étais en pleine forme. Aujourd’hui, je dois aussi me battre contre une métastase au péritoine, mais ce combat me semble bien moins dur à mener depuis que vous tous m’accompagnez. Je sais désormais mon traitement lourd, ma rémission lente, j’accepte facilement cette situation. Car au début, je me réveillais en pensant que je vivais un cauchemar ; à l’annonce brutale de cette grave affection s’était ajoutée une fragilité financière toute aussi injuste.

Cette vulnérabilité m’a conduit à une seconde étape ; celle de faire le bilan de ma vie passée. J’ai toujours choisi la variété des professions et des régions comme moteur d’existence, passant entre autres de convoyeur de voiliers aux Antilles au métier d’enquêteur privé dans le Vaucluse, de contrôleur des prestations touristiques dans les Bouches du Rhône au transporteur dans le Bugey… Mes plus libres et naturelles rencontres ont été sans doute celles des requins aux Seychelles, des baleines aux Açores ou des dauphins de Méditerranée… et des magnifiques horizons lors de mes navigations transatlantiques, quand le ciel épouse la mer sur une lointaine et infinie ligne courbe que seule l’imagination peut réellement effleurer.

Puis ma petite femme et sa fille sont arrivées et, en quelques mois, alors qu’il m’a fallu attendre 46 ans avant d’être père, notre petit garçon est né. Cette accélération de l’histoire m’a semblé magique, mais a rendu également la maladie plus insidieuse à l’aube de la première année de notre fils. Le destin n’est cependant pas toujours sévère : mon dernier scanner s’avère encourageant, voilà une première victoire qui est également la vôtre. Un navire tient au mouillage grâce aussi à la longueur de chaîne qu’on laisse filer au fond. Par votre soutien solidaire, chacun de vous avez été le maillon d’une ligne qui m’ancre encore et pour longtemps sur notre si belle Terre. Au nom de ma famille et au regard d’une certaine humanité, je vous remercie.

Bertrand

 

Lettre numéro 2

Cher(e)s ami(e)s,

Voilà plusieurs semaines que je n’ai pas pris ma plume pour vous donner des nouvelles plus longues… Il est vrai que mon traitement n’a pas été bien facile à supporter ; des séances de chimio de 50 heures tous les 12 jours ont tendance à vous miner… Je suis parfois si malade.

J’ai eu récemment un 3ème scanner ; les médecins semblent contents de la stagnation de la maladie, de cette chimio qui « répond ». Si on interprète entre les lignes, on imagine que la chimio aurait pu ne pas être efficace, que ce cancer est plutôt voué à mal évoluer…

On me laisse tranquille pendant un mois, période durant laquelle je suis censé reposer mon corps de l’agression chimique et de remotiver moralement les troupes. Je suis ravi de cette interruption. Parce que ce n’est pas fini ; je dois désormais composer avec un traitement identique (car efficace) sur une période indéterminée… La tumeur du cardia n’évolue pas (bonne nouvelle). Le cancer du péritoine a diminué mais ne se guérit pas au regard de la médecine actuelle, sauf au prix d’une éventuelle chirurgie extrêmement lourde à supporter, encore impossible en l’état et dont les conséquences peuvent être douloureuses en permanence… Il faut donc se contenter d’endormir les cellules atteintes. Pour l’instant, je garde la même chimio puisqu’elle fonctionne, on essayera d’en changer si elle ne devient plus adaptée…

Je souhaite aussi être acteur de ma rémission, aussi je m’intéresse à des alternatives parallèles et complémentaires, telles que le magnétisme, les bienfaits du jeûne… c’est-à-dire d’autres sciences qui peuvent apporter des soulagements, participer à l’amélioration du corps, favoriser les soins… En pleine santé il y a quelques mois je deviens désormais un malade chronique, portant une épée de Damoclès au-dessus de la tête, prisonnier d’un traitement « à vie » ; je dois organiser ma vie sociale autour de ces paramètres car une telle situation déstabilise beaucoup de choses…

Je devrais aussi reconstruire entièrement une vie professionnelle en fonction de ces plages de soin, indéfinies mais forcément constantes ; un difficile objectif, surtout quand l’énergie manque. Voilà déjà plus de six mois que j’ai arrêté de travailler, sans aucune aide de l’Etat malgré ma cotisation à deux caisses quand je travaillais… oui, c’est possible ! Alors, devant cette perspective de séjours réguliers et douloureux à l’hôpital, devant une visibilité bien trouble sur plusieurs points de mon avenir et celui de ma famille, je pourrais crier mon désarroi, sombrer dans la dépression, en vouloir au monde entier et particulièrement à la providence. Il n’en est rien. Car j’ai eu de la chance. Cette incroyable chance d’être né alors que 250 millions de mes potentiels frères et sœurs n’ont pas dépassé le ventre maternel. Cette invraisemblable probabilité que mes parents se rencontrent et avant eux leurs parents, et qui nous donnent aujourd’hui d’être heureux gagnant de cette loterie biologique.

Cette chance de vivre à notre époque et non aux périodes sombres qui ont émaillé l’histoire de l’humanité, avec ces maladies, ces guerres, ces inutiles conflits. Cette chance de ne pas avoir vu le jour dans un autre continent chargé de souffrances et de luttes perpétuelles, de pouvoir s’épanouir dans une vraie démocratie. Cette chance d’avoir compris qu’il faut vivre bien avant que la retraite ne sonne, de savoir que le nombre d’années présent sur Terre est moins important que leur contenu. Cette chance d’avoir une famille si présente, si attentive et pour qui j’aimerais apaiser la douleur que lui cause ma maladie. Cette chance d’avoir fédéré des amis, des connaissances autour de mon cas, de vous tous qui m’avez généreusement et spontanément aidé et me soutenez encore… et de passer de si précieux instants éphémères comme le pique n(aut)ique…

Cette chance d’avoir vécu libre, et tant de beaux moments, d’avoir eu une jeunesse si heureuse, si privilégiée, d’avoir touché l’horizon avec mes yeux, d’avoir plongé si profond, si loin dans la mer, d’avoir effleuré les étoiles et d’en rapporter les lumineux pétales dans mon âme. Et cette magnifique chance, celle d’une femme si douce qui m’accompagne sans faillir, celle d’un enfant né en bonne santé et dont les sourires, chaque jour, rappellent la beauté de la vie et le combat qu’il faut mener pour la garder. Voilà. Je termine ma lettre, avec le regret de ne pas en dire assez, avec la joie d’être aimé et d’aimer, avec l’attente des progrès de la médecine, avec le sourire aux lèvres, avec l’optimisme de l’enfance et avec l’espoir suspendu comme la lune dans le ciel…

A très bientôt,

Bertrand

"Le nombre d’années présents sur Terre est moins important que leur contenu "

 

 

Commentaires
M
Douces pensées pour Bertrand...
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D
belle soirée
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F
Oui, éveiller son coeur, sa concience pour un regard toujours neuf sur le monde, sans attendre que des événements insupportables nous y obligent.<br /> <br /> Plein d'énergie de guérison à Bertrand.
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T
La maladie change souvent notre regard sur le monde <br /> <br /> <br /> <br /> Un bien joli témoignage<br /> <br /> <br /> <br /> Bonne journée Daniel<br /> <br /> a+<br /> <br /> timilo
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A
Je tenais à vous faire partager ce témoignage sans hésitation parce que plus vous serez nombreux à le lire et à l'éprouver, plus vous aurez de bonnes pensées qui peuvent, j'en suis certain, aider à la guérison.<br /> <br /> Je vous remercie du fond du coeur pour vos précieux ressentis et merci à toi Daniel.
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P
Merci pour ce partage très précieux.
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L
Cela me touche aussi car une de mes amies proches vit quasiment la même chose depuis quelques mois...<br /> <br /> Merci de ce témoignage.
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D
un émouvant témoignage et merci à toi de les faire partager.
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D
Oui, c'est un témoignage très émouvant. Lorsque l'on est malade, notre regard change profondément, ainsi que nos centres d'intérêts.
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C
Ce témoignage est empli de sagesse et il m'a beaucoup émue. Bertrand a énormément de courage et l'on perçoit la force qui l'habite à travers ses lignes. La maladie est "insidieuse" (pour reprendre son terme), et peut frapper chacun à tout moment. Je lui souhaite de vaincre ce mal et de vivre heureux en famille très longtemps encore.<br /> <br /> <br /> <br /> La pensée qui vient en conclusion de son écrit est à retenir. <br /> <br /> <br /> <br /> Bonne soirée, Daniel.
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P
Bonjour Daniel,<br /> <br /> Ce témoignage est très émouvant; j'aime beaucoup cette phrase de sagesse: le nombre des années est moins important que leur contenu." Merci et beaucoup de courage à Bertrand en lui souhaitant de voir son enfant grandir à ses côtés... Bien cordialement
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