Nous sommes notre propre lumière
Je souhaite diffuser, aujourd’hui, un texte plein de sagesse et de modération concernant les rapports de maître à disciple. Ce texte a été transmis par une lectrice du blog, Françoise, et venait en complément à mon article »Il s’en passe des choses à Lerab Ling ». Je le recommande à tous ceux qui suivent un enseignement spirituel. Il confirme tout ce que je pense du sujet : pas d’aliénation, pas d’entrave dogmatique, seulement une recherche libre car nous avons tout en nous et l’évolution ne peut provenir que de nous même.
Question : Je vais être très directe, mais ne vous sentez pas obligé de répondre. Voilà : il est fait allusion dans votre correspondance d'une retraite de trois ans et d'un gourou. Un certain nombre de recoupements m'incitent à penser qu'il pourrait s'agir de Sogyal Rinpoché à propos duquel des rumeurs circulent. Je voudrais savoir s'il s'agit bien de Sogyal Rinpoché, si vous en avez été le disciple, si vous pouvez m'en dire deux mots, si vous avez fait une retraite de trois ans sous sa direction, ce que vous en pensez, et si vous pensez que les rumeurs à son sujet ont un fondement, car j'envisageais de m'inscrire dans son groupe Rigpa.
Réponse : Vos déductions sont exactes, mais ce n'est pas le plus important. L’important est de se connaître soi-même et de comprendre pourquoi vous souhaitez vous en remettre à une autorité. Les maîtres se disent indispensables, mais le Bouddha nous enjoint d'être notre propre lumière. Tout dépend de ce que vous recherchez: soit le confort douillet d'un maître et d'une sangha pour vous épauler dans cette vie difficile, soit la réalisation. Le véritable chercheur ne s'en remet à personne. Il cherche, libre et opiniâtre. La réponse ne vient ni d'un gourou, ni d'un entraînement. Elle survient naturellement, simplement et automatiquement quand on ne l'entrave plus d'aucune autorité, d'aucun a priori, d'aucun préjugé, d'aucun dogme ni d'aucune tradition, aussi millénaire soit-elle. La libération ne s'achète pas, elle ne se copie pas, elle ne s'apprend pas. Elle est en nous : ne la bloquons pas par notre timidité, notre vanité, nos angoisses ou nos ambitions spirituelles.
S'il est dans vos intentions de rejoindre une sangha, vous devez être mis en garde: non seulement le "maître" ne vous sortira pas du samsara, mais attendez-vous à des dérives. Elles sont systématiques dans une relation de supérieur à inférieur, de maître à disciple. C'est une affaire d'égo. Les hommes sont ainsi faits. Pour répondre précisément à votre question sur ma retraite de trois ans, je vous confierais simplement que j'ai dû la quitter prématurément à la suite de problèmes de mœurs impliquant le gourou. Je l'ai poursuivie un peu plus loin en solitaire, à quelques kilomètres de Lerab Ling.
Pour autant il n'y a pas de raison de sombrer dans la négativité à l'encontre de Sogyal ou de qui que ce soit. On peut même faire preuve d'une certaine compassion pour quelqu'un qui n'a pas eu la jeunesse facile (plusieurs familles adoptives, adolescence chaotique). Il y avait un créneau à saisir en Europe: son charisme, son appétit de pouvoir et son extraordinaire capacité à manipuler ont fait le reste. Des hommes comme lui, il y en a plein la planète. On pourrait davantage en vouloir à ceux de son entourage immédiat qui savent et le maintiennent au pouvoir pour des motifs carriéristes, politiques ou financiers. On peut aussi s'interroger sur la cécité du disciple de base qui, aveuglé par ses objectifs spirituels, refuse de voir l'évidence. Pensez toujours au risque sectaire où l'on ne distingue plus la "folle sagesse" de la déviance manifeste. Il est possible de dénoncer un gourou sans pour autant le haïr. Un malade peut et doit être traité avec compassion. On peut adorer son discours sans pour autant accepter ses perversions ... Et dans un dernier sursaut de compassion, on peut aussi prendre en considération l'épreuve des jeunes victimes abusées, trahies et brisées par un homme qui utilise son prestige et s'approprie les enseignements pour séduire.
Le plus important est ceci : le bouddhisme n'est pas l'Esprit du Bouddha. L'esprit de Bouddha ne diffère pas de celui de Lao Tseu ou de Jésus. Le bouddhisme est une adaptation par l'homme ordinaire, à l'usage de l'homme ordinaire. L'homme ordinaire travaille uniquement pour son égo, même dans ses activités spirituelles ou caritatives. Le bouddhisme est une reformulation de l'Esprit de Bouddha au bénéfice de l'égo. Il ne faut donc rien attendre du bouddhisme ou des maîtres en termes de réalisation spirituelle. "Soyez votre propre lumière".
La réalisation est sans concession, sans arrangement, sans combine, sans politique. L'esprit de Bouddha ne s'adresse pas aux cœurs tendres. La tendresse vient après, et celle-là est authentique. La réalisation d'un seul vaut mieux que le petit confort spirituel de millions d'adeptes. Sans témoin, plus de transmission.
Tout dépend donc de ce que l'on recherche. En termes de bonheur provisoire, votre inscription à Rigpa peut être une bonne décision. Mais en termes de réalisation c'est une autre affaire.
Extrait de l’article figurant sur le site : https://sites.google.com/a/dharmix.com/www/vue---les-gourous .